Risques au Parlement : comment faire face aux menaces
Rapport du groupe de travail chargé d’anticiper le mode de fonctionnement des travaux parlementaires en période de crise présenté par le député Sylvain Waserman, président du groupe de travail - novembre 2020
En 2018, fut établie, à la demande du président de l’Assemblée nationale, une cartographie des risques (terrorisme, crues, intoxications, incendie, risques informatiques, etc…) qui pouvaient affecter l’activité parlementaire tant à l’exercice du mandat à Paris ou en circonscription, du fonctionnement de l’administration, ou de la sécurité des personnels.
Lors de la crise sanitaire du printemps 2020, l’Assemblée nationale a du faire face à un ajustement de son mode de fonctionnement face aux circonstances exceptionnelles et force est de constater que les bons outils ont permis d’éviter des perturbations, voire des interruptions du cursus législatif.
Le Palais Bourbon a connu au cours de son histoire des menaces terroristes et des « passages à l’acte », particulièrement à la fin du XIXème siècle lors des vagues d’attentats anarchistes.
Mais les menaces sur l’activité parlementaire peuvent, de nos jours, atteindre des centres vitaux autres que les lieux de délibération, de réunion : l’informatisation, la digitalisation aussi performantes qu’elles sont ne sont pas à l’abri d’attaques, de failles, de manipulations, de menaces venues de l’extérieur ou de groupes rebelles et radicaux.
La fragilité appelle donc une plus grande vigilance en matière de sécurité mais aussi de prévention des risques.
Un groupe de travail fut donc chargé en 2020 « d’anticiper le mode de fonctionnement des travaux parlementaires en période de crise » ; il conclut à « l’inutilité d’un corps de règles définissant un « état d’urgence parlementaire » |
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Il y en aurait bien d’autres si on mesure aujourd’hui les violences physiques, les dégradations, les menaces envers les élus sans oublier que les assemblées délibératives ouvertes au public (ce qui est fondamental dans une démocratie) sont les plus exposées de toutes les institutions de la République.
De « l’inutilité d’un corps de règles définissant un « état d’urgence parlementaire »
De la même manière que la Constitution et la loi mettent à la disposition de l’exécutif des dispositifs juridiques spécifiques pour faire face aux troubles de grande ampleur – « article 16 », « état de siège » ou « état d’urgence » –, il pourrait être imaginé, à l’issue de la crise sanitaire actuelle, de prôner l’instauration d’un corps de règles de même nature au bénéfice des instances dirigeantes de l’Assemblée nationale.
Dans cette perspective, face à un bouleversement des conditions du travail parlementaire, pourrait être activé un ensemble de règles dérogatoires au droit commun, la période durant laquelle de telles prérogatives exceptionnelles seraient mises en œuvre correspondant alors à une sorte d’« état d’urgence parlementaire ». Cette solution présente cependant de nombreux inconvénients.
En premier lieu, se pose une question de principe : les auditions du groupe de travail ont montré que l’idée d’instaurer un « corpus d’urgence » n’est pas partagée par tous les groupes de l’Assemblée et il n’est même pas certain qu’elle recueillerait une majorité en sa faveur.
Plusieurs membres du groupe se sont clairement prononcés contre la notion d’« état d’urgence parlementaire », considérée comme insatisfaisante, préférant raisonner en termes de répercussions de l’état d’urgence, de quelque nature qu’il soit, sur le Parlement. Certains ont souligné qu’il ne convenait pas de théoriser un Parlement au fonctionnement dégradé mais de trouver des solutions pour maintenir, en période de crise, le travail des parlementaires et le travail de l’administration. Il a en revanche été jugé nécessaire, tout en évitant de créer un cadre dérogatoire ou un règlement bis, d’envisager des ajustements et une procédure claire pour gagner en agilité.
En second lieu, les difficultés pratiques soulevées par l’instauration d’un « état d’urgence parlementaire » ne doivent pas être sous-estimées. Dans quelles conditions les règles dérogatoires au droit commun prévues pour faire face à une situation exceptionnelle pourraient-elles être appliquées ?
En particulier, la solution d’un état d’urgence parlementaire pose inexorablement la question de son déclenchement. Il s’agirait de préciser le moment où l’on se trouve dans une situation de crise, ce qui ne ferait pas toujours l’unanimité.
La ou les autorités chargées de déclencher le mode de gouvernance de crise courraient-elle le risque de prendre une telle décision dès les premiers indices de la survenance de troubles, au risque d’essuyer de vives critiques si ceux-ci ne persistent pas ? Des zones grises ne peuvent être exclues ; elles requièrent de la souplesse et ne sauraient être traitées immédiatement avec les outils les plus « lourds » à la disposition des instances dirigeantes. Au demeurant, comme on l’a vu, il serait vain de tenter de dresser une liste exhaustive des risques potentiels auxquels l’Assemblée pourrait être un jour confrontée.
Il conviendrait aussi de définir des solutions dans l’hypothèse de crises n’affectant initialement que certains territoires (ex : cyclones en outre-mer qui empêcheraient les députés ultramarins de se déplacer). Un élément déclencheur pourrait être l’impossibilité de se réunir physiquement au Palais Bourbon en cas d’inondation de la Seine ou dans l’exemple de la covid-19, l’apparition d’un foyer épidémique au sein même de l’Assemblée nationale. Le fait générateur de l’impossibilité de se réunir dans l’hémicycle a bien été l’annonce du confinement généralisé par le Président de la République et le Premier ministre le 14 mars 2020. Toutefois, le fait que l’Assemblée nationale ait elle-même été un foyer épidémique a accéléré la mise en œuvre de procédures exceptionnelles.
Il se dégage un large consensus au sein du groupe de travail visant à considérer qu’il n’est pas souhaitable d’institutionnaliser un « mode de crise » relevant d’une gouvernance et d’un corps de règles spécifiques. Nul besoin de déterminer les conditions permettant de déclencher l’activation d’un régime dérogatoire : il appartiendra aux instances actuelles d’agir en responsabilité, sans qu’aucune d’entre elles n’acquière de prérogatives exorbitantes. Le Président de l’Assemblée nationale continuera d’être à l’initiative des réunions du Bureau et de la Conférence des présidents1 , ces deux instances étant invitées à prendre leurs décisions selon les procédures de droit commun qui leurs sont applicables.
Dès lors, les réponses face à une crise peuvent s’inscrire dans un cadre normatif constant, sous réserve de quelques adaptations rendues nécessaires par la gestion des contraintes pesant sur le fonctionnement normal du Parlement.
« La question de la présence physique des députés est centrale et appelle des réponses concrètes… Mais l’absence totale des députés ne peut être un scénario de travail envisagé. »
Sans doute n’épuise-t-elle pas le traitement des crises, dont on a vu qu’elles pouvaient prendre des formes multiples. Elle n’en reste pas moins déterminante : d’une part, de très nombreuses dispositions réglementaires font reposer les délibérations parlementaires, et singulièrement les votes, sur la présence physique ; d’autre part, la présence physique est au cœur de l’activité parlementaire, l’unicité de lieu permettant non seulement, au plan symbolique, d’offrir une représentation unifiée des débats, mais aussi d’assurer le dialogue nécessaire en marge de la séance publique et au cours de celle-ci, facteur évident de fluidité de la prise de décision.
La survenue d’une crise conduisant à un empêchement total de toute présence physique correspondrait à un tel séisme que les décisions requises relevant des autorités politiques seraient, à l’évidence, totalement dérogatoires au droit commun. Une telle crise relèverait probablement du champ de l’article 16 de la Constitution, qui s’applique en cas d’interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels à laquelle s’ajoute une menace grave et immédiate sur les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire ou l’exécution des engagements internationaux. Il serait alors permis au Président de la République de prendre, après consultation du Premier ministre et des Présidents des assemblées, les mesures exigées par ces circonstances exceptionnelles. Le quatrième alinéa de l’article 16 dispose que dans ce cadre, le « Parlement se réunit de plein droit » même si la portée de cette disposition doit être fortement nuancée (1) .
Par ailleurs, un autre dispositif exceptionnel, confiant l’administration générale du pays à une assemblée des délégués généraux, pourrait même encore trouver à s’appliquer si les circonstances étaient telles qu’il était impossible de réunir le Parlement. L’article 1er de la loi du 15 février 1872 relative au rôle éventuel des conseils départementaux dans des circonstances exceptionnelles, dite loi Tréveneuc, dispose en effet que « si l’Assemblée nationale ou celles qui lui succèderont viennent à être illégalement dissoutes ou empêchées de se réunir, les conseils généraux s’assemblent immédiatement, de plein droit, et sans qu’il soit besoin de convocation spéciale, au chef-lieu de chaque département ».
Versailles, Strasbourg ou le Palais des congrès !
« Dans l’hypothèse où le Palais Bourbon serait inaccessible, recenser les locaux alternatifs. Il pourrait par exemple s’agir de la salle du Congrès à Versailles dont la couverture Wifi, déjà existante, ne serait sans doute pas adaptée pour un usage très intensif et relativement pérenne. Une étude devrait être engagée pour développer cette couverture et prévoir en même temps un renforcement des liaisons entre les locaux du Congrès et les salles informatiques de l’Assemblée nationale, afin de garantir un accès accru et sécurisé. La solution du câblage général de la Salle serait hors de portée sur le plan financier pour un usage temporaire et aléatoire.
Le siège du Parlement européen, à Strasbourg, pourrait également constituer un repli. Les solutions techniques préexistantes et les moyens de raccordement du Parlement seraient probablement plus rapidement opérationnels, sous réserve, bien évidemment, de la disponibilité de l’hémicycle.
Des salles privées, telles que le palais des Congrès, à Paris, seraient aussi à même d’accueillir les députés en cas de force majeure. En tout état de cause, il pourrait être envisagé, après étude juridique, de conclure des conventions avec les institutions qui gèrent ces lieux de « secours » afin qu’ils puissent rapidement être mis à disposition en cas de besoin. »
Note
1) « Le quatrième alinéa de l’article 16 dispose que le Parlement se réunit de plein droit mais ne donne aucune indication sur les pouvoirs dont il dispose pendant cette période. En 1961, le Président de la République et le Président de l’Assemblée nationale ont tenté de combler cette lacune en interprétant la Constitution, dans un sens extrêmement restrictif. Les règles qu’ils ont édictées conduisent à distinguer selon que le Parlement est en session ordinaire ou non : — en session ordinaire, il résulte du message du Président de la République au Parlement du 25 avril 1961 que « la mise en œuvre de l’article 16 ne saurait modifier les activités du Parlement : exercice du pouvoir législatif et de contrôle », mais avec une réserve importante : « pour autant qu’il ne s’agisse pas de mesures prises ou à prendre en vertu de l’article 16 » ; — en session « spéciale », le Parlement ne peut ni légiférer, ni adopter une motion de censure contre le Gouvernement, en application d’une lettre du Président de la République au Premier ministre du 31 avril 1961 et d’une décision du Président de l’Assemblée nationale du 19 septembre 1961 ». Source : M. Jean-Luc Warsmann, rapport sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République (15 mai 2008
Risques au Parlement : comment faire face aux menaces
Rapport du groupe de travail chargé d’anticiper le mode de fonctionnement des travaux parlementaires en période de crise présenté par le député Sylvain Waserman, président du groupe de travail - novembre 2020
En 2018, fut établie, à la demande du président de l’Assemblée nationale, une cartographie des risques (terrorisme, crues, intoxications, incendie, risques informatiques, etc…) qui pouvaient affecter l’activité parlementaire tant à l’exercice du mandat à Paris ou en circonscription, du fonctionnement de l’administration, ou de la sécurité des personnels.
Lors de la crise sanitaire du printemps 2020, l’Assemblée nationale a du faire face à un ajustement de son mode de fonctionnement face aux circonstances exceptionnelles et force est de constater que les bons outils ont permis d’éviter des perturbations, voire des interruptions du cursus législatif.
Le Palais Bourbon a connu au cours de son histoire des menaces terroristes et des « passages à l’acte », particulièrement à la fin du XIXème siècle lors des vagues d’attentats anarchistes.
Mais les menaces sur l’activité parlementaire peuvent, de nos jours, atteindre des centres vitaux autres que les lieux de délibération, de réunion : l’informatisation, la digitalisation aussi performantes qu’elles sont ne sont pas à l’abri d’attaques, de failles, de manipulations, de menaces venues de l’extérieur ou de groupes rebelles et radicaux.
La fragilité appelle donc une plus grande vigilance en matière de sécurité mais aussi de prévention des risques.
Un groupe de travail fut donc chargé en 2020 « d’anticiper le mode de fonctionnement des travaux parlementaires en période de crise » ; il conclut à « l’inutilité d’un corps de règles définissant un « état d’urgence parlementaire » |
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Il y en aurait bien d’autres si on mesure aujourd’hui les violences physiques, les dégradations, les menaces envers les élus sans oublier que les assemblées délibératives ouvertes au public (ce qui est fondamental dans une démocratie) sont les plus exposées de toutes les institutions de la République.
De « l’inutilité d’un corps de règles définissant un « état d’urgence parlementaire »
De la même manière que la Constitution et la loi mettent à la disposition de l’exécutif des dispositifs juridiques spécifiques pour faire face aux troubles de grande ampleur – « article 16 », « état de siège » ou « état d’urgence » –, il pourrait être imaginé, à l’issue de la crise sanitaire actuelle, de prôner l’instauration d’un corps de règles de même nature au bénéfice des instances dirigeantes de l’Assemblée nationale.
Dans cette perspective, face à un bouleversement des conditions du travail parlementaire, pourrait être activé un ensemble de règles dérogatoires au droit commun, la période durant laquelle de telles prérogatives exceptionnelles seraient mises en œuvre correspondant alors à une sorte d’« état d’urgence parlementaire ». Cette solution présente cependant de nombreux inconvénients.
En premier lieu, se pose une question de principe : les auditions du groupe de travail ont montré que l’idée d’instaurer un « corpus d’urgence » n’est pas partagée par tous les groupes de l’Assemblée et il n’est même pas certain qu’elle recueillerait une majorité en sa faveur.
Plusieurs membres du groupe se sont clairement prononcés contre la notion d’« état d’urgence parlementaire », considérée comme insatisfaisante, préférant raisonner en termes de répercussions de l’état d’urgence, de quelque nature qu’il soit, sur le Parlement. Certains ont souligné qu’il ne convenait pas de théoriser un Parlement au fonctionnement dégradé mais de trouver des solutions pour maintenir, en période de crise, le travail des parlementaires et le travail de l’administration. Il a en revanche été jugé nécessaire, tout en évitant de créer un cadre dérogatoire ou un règlement bis, d’envisager des ajustements et une procédure claire pour gagner en agilité.
En second lieu, les difficultés pratiques soulevées par l’instauration d’un « état d’urgence parlementaire » ne doivent pas être sous-estimées. Dans quelles conditions les règles dérogatoires au droit commun prévues pour faire face à une situation exceptionnelle pourraient-elles être appliquées ?
En particulier, la solution d’un état d’urgence parlementaire pose inexorablement la question de son déclenchement. Il s’agirait de préciser le moment où l’on se trouve dans une situation de crise, ce qui ne ferait pas toujours l’unanimité.
La ou les autorités chargées de déclencher le mode de gouvernance de crise courraient-elle le risque de prendre une telle décision dès les premiers indices de la survenance de troubles, au risque d’essuyer de vives critiques si ceux-ci ne persistent pas ? Des zones grises ne peuvent être exclues ; elles requièrent de la souplesse et ne sauraient être traitées immédiatement avec les outils les plus « lourds » à la disposition des instances dirigeantes. Au demeurant, comme on l’a vu, il serait vain de tenter de dresser une liste exhaustive des risques potentiels auxquels l’Assemblée pourrait être un jour confrontée.
Il conviendrait aussi de définir des solutions dans l’hypothèse de crises n’affectant initialement que certains territoires (ex : cyclones en outre-mer qui empêcheraient les députés ultramarins de se déplacer). Un élément déclencheur pourrait être l’impossibilité de se réunir physiquement au Palais Bourbon en cas d’inondation de la Seine ou dans l’exemple de la covid-19, l’apparition d’un foyer épidémique au sein même de l’Assemblée nationale. Le fait générateur de l’impossibilité de se réunir dans l’hémicycle a bien été l’annonce du confinement généralisé par le Président de la République et le Premier ministre le 14 mars 2020. Toutefois, le fait que l’Assemblée nationale ait elle-même été un foyer épidémique a accéléré la mise en œuvre de procédures exceptionnelles.
Il se dégage un large consensus au sein du groupe de travail visant à considérer qu’il n’est pas souhaitable d’institutionnaliser un « mode de crise » relevant d’une gouvernance et d’un corps de règles spécifiques. Nul besoin de déterminer les conditions permettant de déclencher l’activation d’un régime dérogatoire : il appartiendra aux instances actuelles d’agir en responsabilité, sans qu’aucune d’entre elles n’acquière de prérogatives exorbitantes. Le Président de l’Assemblée nationale continuera d’être à l’initiative des réunions du Bureau et de la Conférence des présidents1 , ces deux instances étant invitées à prendre leurs décisions selon les procédures de droit commun qui leurs sont applicables.
Dès lors, les réponses face à une crise peuvent s’inscrire dans un cadre normatif constant, sous réserve de quelques adaptations rendues nécessaires par la gestion des contraintes pesant sur le fonctionnement normal du Parlement.
« La question de la présence physique des députés est centrale et appelle des réponses concrètes… Mais l’absence totale des députés ne peut être un scénario de travail envisagé. »
Sans doute n’épuise-t-elle pas le traitement des crises, dont on a vu qu’elles pouvaient prendre des formes multiples. Elle n’en reste pas moins déterminante : d’une part, de très nombreuses dispositions réglementaires font reposer les délibérations parlementaires, et singulièrement les votes, sur la présence physique ; d’autre part, la présence physique est au cœur de l’activité parlementaire, l’unicité de lieu permettant non seulement, au plan symbolique, d’offrir une représentation unifiée des débats, mais aussi d’assurer le dialogue nécessaire en marge de la séance publique et au cours de celle-ci, facteur évident de fluidité de la prise de décision.
La survenue d’une crise conduisant à un empêchement total de toute présence physique correspondrait à un tel séisme que les décisions requises relevant des autorités politiques seraient, à l’évidence, totalement dérogatoires au droit commun. Une telle crise relèverait probablement du champ de l’article 16 de la Constitution, qui s’applique en cas d’interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels à laquelle s’ajoute une menace grave et immédiate sur les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire ou l’exécution des engagements internationaux. Il serait alors permis au Président de la République de prendre, après consultation du Premier ministre et des Présidents des assemblées, les mesures exigées par ces circonstances exceptionnelles. Le quatrième alinéa de l’article 16 dispose que dans ce cadre, le « Parlement se réunit de plein droit » même si la portée de cette disposition doit être fortement nuancée (1) .
Par ailleurs, un autre dispositif exceptionnel, confiant l’administration générale du pays à une assemblée des délégués généraux, pourrait même encore trouver à s’appliquer si les circonstances étaient telles qu’il était impossible de réunir le Parlement. L’article 1er de la loi du 15 février 1872 relative au rôle éventuel des conseils départementaux dans des circonstances exceptionnelles, dite loi Tréveneuc, dispose en effet que « si l’Assemblée nationale ou celles qui lui succèderont viennent à être illégalement dissoutes ou empêchées de se réunir, les conseils généraux s’assemblent immédiatement, de plein droit, et sans qu’il soit besoin de convocation spéciale, au chef-lieu de chaque département ».
Versailles, Strasbourg ou le Palais des congrès !
« Dans l’hypothèse où le Palais Bourbon serait inaccessible, recenser les locaux alternatifs. Il pourrait par exemple s’agir de la salle du Congrès à Versailles dont la couverture Wifi, déjà existante, ne serait sans doute pas adaptée pour un usage très intensif et relativement pérenne. Une étude devrait être engagée pour développer cette couverture et prévoir en même temps un renforcement des liaisons entre les locaux du Congrès et les salles informatiques de l’Assemblée nationale, afin de garantir un accès accru et sécurisé. La solution du câblage général de la Salle serait hors de portée sur le plan financier pour un usage temporaire et aléatoire.
Le siège du Parlement européen, à Strasbourg, pourrait également constituer un repli. Les solutions techniques préexistantes et les moyens de raccordement du Parlement seraient probablement plus rapidement opérationnels, sous réserve, bien évidemment, de la disponibilité de l’hémicycle.
Des salles privées, telles que le palais des Congrès, à Paris, seraient aussi à même d’accueillir les députés en cas de force majeure. En tout état de cause, il pourrait être envisagé, après étude juridique, de conclure des conventions avec les institutions qui gèrent ces lieux de « secours » afin qu’ils puissent rapidement être mis à disposition en cas de besoin. »
Note
1) « Le quatrième alinéa de l’article 16 dispose que le Parlement se réunit de plein droit mais ne donne aucune indication sur les pouvoirs dont il dispose pendant cette période. En 1961, le Président de la République et le Président de l’Assemblée nationale ont tenté de combler cette lacune en interprétant la Constitution, dans un sens extrêmement restrictif. Les règles qu’ils ont édictées conduisent à distinguer selon que le Parlement est en session ordinaire ou non : — en session ordinaire, il résulte du message du Président de la République au Parlement du 25 avril 1961 que « la mise en œuvre de l’article 16 ne saurait modifier les activités du Parlement : exercice du pouvoir législatif et de contrôle », mais avec une réserve importante : « pour autant qu’il ne s’agisse pas de mesures prises ou à prendre en vertu de l’article 16 » ; — en session « spéciale », le Parlement ne peut ni légiférer, ni adopter une motion de censure contre le Gouvernement, en application d’une lettre du Président de la République au Premier ministre du 31 avril 1961 et d’une décision du Président de l’Assemblée nationale du 19 septembre 1961 ». Source : M. Jean-Luc Warsmann, rapport sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République (15 mai 2008
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